Apprendre
Claire Simon, France, 2024o
À l'école primaire publique Makarenko, dans la banlieue parisienne, les enfants ont envie d'apprendre et d'être encouragés, tandis que les enseignants savent qu'ils ne font pas qu'enseigner: ils éduquent aussi. Avec attention, ténacité et efforts, les enfants sont formés pour devenir non seulement des citoyens responsables, mais aussi des êtres humains.
L’imaginaire d’un certain cinéma français est nourri par celui des institutions étatiques: hôpitaux, commissariats de police, prisons, établissement scolaires et tribunaux accueillent de nombreuses fictions. Des stars grimées en quidams y font semblant d’être juges, enseignant·es, infirmier·ères. Aucun mal à cela, évidemment: c’est du cinéma. Mais trop souvent, on oublie le travail livré par leurs collègues documentaristes, qui pénètrent ces mêmes institutions sans scénographes ou maquilleur·ses. Si Nicolas Philibert (Être et avoir, Sur l’Adamant) s’est fait un nom dans ce domaine, on connaît moins celui de Claire Simon, autrice d’une œuvre où le documentaire côtoie harmonieusement la fiction. Après avoir arpenté les cabinets de consultation d’un hôpital parisien (Notre corps), la voilà qui s’immisce dans des salles de classe. Avec discrétion et délicatesse, Simon filme le quotidien d’élèves et d’enseignant·es d’une école primaire d’Ivry-sur-Seine, dans la banlieue parisienne, durant une année. Le cadre choisi par la cinéaste se limite aux heures de cours et aux pauses récréatives: les enfants ont le premier rôle, saisis dans leurs activités d’apprentissage et de jeu, encadrés par des enseignant·es au travail desquel·les Simon rend hommage. Car les rues d’Ivry-sur-Seine ne transpirent pas l’aisance des beaux quartiers: dans cette ville populaire, l’égalité des chances – vieille promesse du modèle républicain – relève de la fiction. Deux séquences dévoilent d’ailleurs habillement les rapports de domination auxquels sont confrontés les jeunes élèves: une course d’école à Paris souligne le contraste entre leur environnement banlieusard et l’élégance des bâtiments haussmanniens, tandis qu’un cours de musique en collaboration avec une classe d’un établissement plus chic révèle le fossé qui se creuse entre les biens nés et les autres. Cela s’appelle apprendre.
Emilien Gür
