La prisonnière de Bordeaux
Patricia Mazuy, France, 2024o
Deux femmes se croisent au parloir d’une prison où elles viennent visiter «leur homme». L’une est une bourgeoise argentée, l’autre doit trimer pour nourrir ses deux enfants. La première propose à la seconde de loger dans sa grande maison, plus proche de la prison. Est-ce le début d'une amitié, d'un amour ou d'un pacte ?
Alma (Isabelle Huppert), bourgeoise des beaux quartiers, et Mina (Hafsia Herzi), prolétaire banlieusarde, ont un point commun : leurs maris sont incarcérés dans la même prison près de Bordeaux. Elles se rencontrent au centre d’accueil, lieu de passage obligé avant les visites au parloir. Parce qu’elle est venue à la mauvaise date, on ne laisse pas Mina voir son époux. Remontée contre le personnel pénitencier, la jeune femme fait un scandale. Témoin de la scène, Alma s’en amuse. Pour éviter à Mina un long et coûteux aller-retour entre la prison et son domicile et parce qu’elle se sent désespérément seule, Alma lui propose de l’héberger dans sa vaste villa aux chambres vides. C’est le début d’une grande histoire d’amitié entre les deux femmes. Au lieu de traiter son sujet comme la matière d’un film social, la réalisatrice Patricia Mazuy en fait heureusement le moteur d’une étude de personnages. La réussite du film tient à la peinture délicate de cette parenthèse que représente, dans la vie de chacune des deux femmes, ce nouveau lien aussi inespéré qu’improbable. La qualité d’écriture des protagonistes est renforcée par la direction d’actrices, remarquable. Isabelle Huppert tient l’un des plus beaux rôles qui lui aient été offerts depuis Elle ; Hafsia Herzi le lui rend bien. On ne satisfait pas du dénouement imposé artificiellement à cette parenthèse magique.
Emilien Gür